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Il sait déjà !

Dans la pratique du yoga, nous devons faire la différence entre ceux qui l’appliquent de façon profonde et régulière, à savoir les sādhak साधक et les dilettantes variés. Il y a différents stades intermédiaires qui dépendent de nombreuses justifications des pratiquants telles la transcendance, la quête de l’absolu, la maîtrise de soi, la recherche de la santé, mais aussi la beauté du corps, l’effet de mode, etc.
Les véritables chercheurs yoguiques sont ceux qui donnent à la sādhana साधना, la pratique spirituelle, une place de choix, la chérissent malgré les adversités de la vie.
Ils savent que c’est en elle qu’ils trouveront la force nécessaire pour avancer dans la clarté face à cette étrange, mystérieuse et incertaine existence.
Mais là encore, il y a des degrés de pratique. Il y a celui qui a renoncé à tout et vit en ascète tout comme il peut y avoir un chef de famille assurant sa vie sociale et professionnelle.
Quel que soit votre degré de pratique, seul l’engagement personnel vis à vis de vous-même est la clé de voûte de votre élévation.

Le yoga vous rappelle sans cesse à la nécessité de rester libre intérieurement tout en nourrissant chacune de vos actions de la bienveillance et de la quête de la connaissance.

Plus encore qu’il y a dix ou vingt ans, il existe aujourd’hui des pôles sociaux et comportementaux très caricaturaux concernant le yoga, surtout en occident.
Nous pouvons trouver chez certains, un attrait à l’exotisme qui aspire littéralement la personne dans un look et un discours post-soixante-huitard. Nous pouvons trouver de faux sadhak, posant en photo en assise méditative dans les rochers d‘une cascade, le torse nu et bombé, le crâne rasé ou la chevelure abondante.
Nous croyons aujourd’hui pouvoir imiter ce qui est inimitable.
Apparaissent aussi de nombreuses techniques en développement personnel qui semblent être des principes innovants en termes de discours et de pratiques mais qui ne sont que la reprise déguisée et la réécriture sous un label semblant inédit, des grands principes millénaires métaphysiques, philosophiques yoguiques et spirituels. Ils le sont faits d’ailleurs, avec cette affirmation égotique si particulière à notre civilisation contemporaine, alors qu’un des fondamentaux de la connaissance spirituelle est de commencer par éradiquer l’ego.
Ainsi persuadés de découvrir des vérités, leurs auteurs ignorent que ces dernières sont millénaires.
Libre à chacun de vouloir réinventer la roue.
C’est ainsi que l’on peut lire des écrits récents prétendant dévoiler la vérité spirituelle en vous parlant comme à des enfants aveugles mais avec le look verbal d’un présentateur de télé dont je tairais le nom ...
« Oh mes chéris, je vous aime, vous êtes si stupides qu’il faut que je vous sauve... »

Nous pouvons trouver également chez un certain nombre d’occidentaux, un attrait pour cette pratique désossée de son essence indienne, voire hindoue, afin de profiter de ses bien-faits sans s’ouvrir à la richesse de ses fondamentaux.
La méfiance éprouvée à son égard repose sur l’ignorance de cette science libératrice, et les peurs d’un endoctrinement qui démontrent le manque de confiance en soi et la méconnaissance de son véritable libre-arbitre.
Là encore, il y a déficit de discernement.

Rappelez vous ce proverbe : :
« Le monde est aveugle et rares sont ceux qui voient », disait Siddhārtha Gautama, le Buddha.

La vie ne consiste pas à tout subir et la pratique yoguique est là pour optimiser notre interaction avec ce monde.
Elle n’a rien à prouver aux contemporains. Elle a déjà fait ses preuves et sa persistance millénaire est son meilleur étendard.

Certes, le vieillissement de chacun est inéluctable. Certes les phénomènes du monde extérieur semblent souvent contraires à nos attentes. Les sādhaka साधक, à savoir ceux qui pratiquent la sādhana, animés par la soif de connaissance, savent s’imposer à eux-mêmes la discipline, l’effort nécessaire pour mettre en œuvre une détermination, une clarté, une agilité mentale et physique hors du commun.
C’est un constat que nous pouvons faire sans fausse modestie.
Les véritables pratiquants de yoga sont des êtres différents et précieux pour notre monde d’aujourd’hui. Mais le monde s’en fiche !
Peu importe, vous et moi, sommes à même de pouvoir estimer notre propre valeur et cela humblement.

Sans effort, pas de discipline mais pas de discipline sans amour de la pratique.
Rester loyal et reconnaissant envers soi-même, envers sa pratique, envers ses professeurs, envers ses années de pratique qui ont façonné l’être que nous sommes aujourd’hui, ses amis, ses parents, nous garantit l’estime de soi.
Elle ne peut être entretenue que par le travail effectué sur soi-même pour combattre nos faiblesses, nos ignorances.
Certains prônent le « non faire ». Certes, il peut être transcendant pour celui qui est prêt à transcender, qui en a la carrure.

Il est assurément « désintégrant » pour beaucoup. Il suffit de côtoyer le monde des hommes qui, pour une majorité, arrivent à un âge certain sans maturité existentielle et sans une once de valeur spirituelle.

L’amour commence et ne finit jamais lorsque cette loyauté nous anime.

Après ce rappel aux valeurs yoguiques, je voudrais à présent, en restant dans la ligne de notre étude en cours sur les fonctionnements cérébraux et les comportements attenants, aborder la notion du désir, plus particulièrement sur la notion d’attrait.

Nous avons tous des critères spécifiques concernant ce qui nous attire ou non.

Lorsqu’il s’agit de l’attirance ou non pour quelqu’un·e, nous validons, à notre regard sur cette personne, une appréciation positive ou négative.
Notre perception de l’autre, ne serait-ce qu’un passant dans la rue, met en jeu, à une vitesse vertigineuse de moins d’une seconde, notre attrait, notre rejet ou notre indifférence à son égard.

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La première opération que réalise le cerveau est visuelle et nous détaillons en un temps record, des informations extérieures comme l’allure, la taille, la couleur de peau, des cheveux, la tenue vestimentaire. Ces informations nombreuses entrent ou n’entrent pas en jeu dans notre validation. Dans de nombreux filtres sociaux, ce que nous montrons de nous-même, ce que nous voyons chez l’autre par les vêtements, les différents apparats, sont autant d’informations à décoder.

D’où, en aparté, la nécessité de déposer « les métaux à l’entrée du temple » comme il est dit chez les Francs-maçons, pour ne laisser que l’essentiel et la sobriété de l’être dans le processus d’apprentissage de la connaissance spirituelle où la séduction n’est pas de mise.
D’où nos tenues simples en cours de yoga ou de méditation, cela n’enlevant en rien votre beauté intrinsèque bien au contraire. Parfois, vous êtes très beaux dans vos tenues yoguiques, vos châles de méditant, votre posture assise maitrisée et non avachie, votre attitude de réflexion profonde, de paix intérieure.
Je ne suis jamais avare de vous le dire dès lors que mon œil vous capte, mon cerveau vous apprécie, même en visioconférence !

Après avoir donc frappé la rétine, il y a appréciation positive ou négative qui peut générer émotion, voire plaisir esthétique, voire désir et ensuite excitation sexuelle si le contexte ou l’intention s’y prêtent. Rassurez-vous, en cours de yoga, ce n’est pas notre propos.
Ainsi donc, à la perception de l’autre, le cerveau peut s’embraser et rester quelques instants dans cet état.

Le cheminement cérébral est très rapide pour arriver à cet état. Les critères d’attirance sont bien sûr relatifs à de nombreux facteurs, tels l’âge, le sexe, les aspects physiques, les facteurs culturels du moment, l’orientation sexuelle.
Le cerveau va donc arbitrer tous ces facteurs et émettre un vote neuronal.
Nous avons déjà vu ce processus dans les conférences précédentes.
Voir conf "Le choix judicieux"

Serge Stoleru, neuroscientifique nous en explique la mécanique neuronale ;
« lors de ce processus de perception et d’appréciation, les régions sollicitées sont en tout premier les régions au-dessus des yeux, les cortex orbitofrontaux droit et gauche. Ainsi, l’impact visuel sur la rétine qui n’est pas encore l’image de « Il est beau » va être transmis aux lobes occipitaux au cortex visuel primaire situé tout à fait à l’arrière du cerveau. Ce cortex visuel primaire n’est que la première étape de la perception visuelle. Ensuite, cette information va être transmise à d’autres aires visuelles pour poursuivre son chemin vers l’avant du cerveau.
Elle va être transmise à une autre partie du lobe occipital sur la paroi latérale de chaque lobe occipital ainsi qu’à une partie basse de chacun des lobes temporaux, le gyrus fusiforme pour l’aspect anatomique.
Ce sont ces régions-là qui vont traiter l’information visuelle ».

La magie de tout cela, c’est que nous savons instantanément ce que nous voyons et nous ne nous posons pas la question de ce que cela peut bien être.

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C’est qu’il y a une machinerie complexe en dessous de tout cela dans le processus perception-compréhension et qui se fait extrêmement rapidement d’autant plus si l’objet perçu est déjà catégorisé.
Peut-être qu’en voyant un·e surprenant·e extraterrestre, nous n’aurions pas l’attirance immédiate ? A voir …

C’est dans le cortex occipital et le gyrus fusiforme que les informations visuelles vont être reconnues et attribuées à : ceci est un visage, ceci est un corps, un vêtement, une voiture, etc.
Il y aurait donc des aires pour les objets animés, inanimés. Pour les visages, cela se situe dans le cortex fusiforme et pour les corps, dans le cortex visuel latéral.
Ces deux aires vont ainsi envoyer aux autres régions du cerveau l’information ;
« voilà, j’ai vu un bel homme aux yeux bleus, une belle femme au corps sublime, voire une belle maison aux volets blancs ». Tous ces aspects font partie des informations primaires envoyées, grâce aux aires occipitales et au gyrus fusiforme.

Les gyrus fusiformes seraient activés dans des conditions expérimentales si on montre des images d’hommes à des femmes ou à des hommes homosexuels, ou des femmes à des hommes hétérosexuels ou à des femmes homosexuelles.

Quoi qu‘il en soit, ce n’est pas peut-être pas encore conscient et l’information visuelle a besoin d’être véhiculée vers l’avant du cerveau, vers les régions du cortex orbitofrontal.
Des informations sexuelles, il nous en arrive tous les jours.
On peut y réagir ou les ignorer.

Que faisons-nous si nous sommes attirés ?

La première fonction cognitive est le jugement de valeur que nous portons sur la personne en termes de désirable. L’est-elle un peu, beaucoup, pas du tout ?

Des deux cortex orbitofrontaux, ce serait le droit qui fait cette évaluation.
C’est lui qui va plaquer l’image à caractère sexuel attirant ou non.
Les neurones ont des signaux spécifiques qui fluctuent plus ou moins intensément selon l’attrait.
La valeur sexuelle quant à elle, provient soit de l’inné, soit de l’apprentissage des relations humaines et sociales qui modifient les critères par l’expérience.
Toujours expérimentalement, les scientifiques ont mis en évidence que l’activation du cortex orbitofrontal droit est associé à l’activation des hormones sexuelles.

Mais comment fait-il pour évaluer la notion de beauté et de sex appeal de la personne regardée ?

En fait, le cortex orbitofrontal droit va chercher des souvenirs agréables engrangés dans d’autres parties du cerveau pour savoir si les informations reçues correspondent bien au type de personnes que l’individu a appris à aimer.
Ainsi donc, le cortex orbitofrontal sait très vite si la personne vue pourrait être associée à un plaisir potentiel. Il est fortement connecté à de nombreuses parties du cerveau qui mémorisent toutes vos expériences agréables et désagréables, les émotions ressenties lors de votre vie passée.

Cependant, la réaction à ce qui est beau ne relève pas uniquement de l’apprentissage et semble appartenir à un aspect inné de la nature humaine.

Un bébé réagira différemment devant un visage beau ou laid alors qu’il n’a pas encore de vécu.
Pourrions-nous penser que même chez un bébé, alors que la partie consciente semble limitée, que son supra-conscient sait déjà ?
Dans ce cas-là, pour l’adulte c’est la même chose.
Dans la rue, les personnes belles physiquement attirent spontanément le regard des passants avant toute évaluation possible. Cela se fait extrêmement rapidement.

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Je fais ici une parenthèse pour vous ramener à la pratique du Śrī Vidyā श्री विद्या, du kriyā yoga क्रिया योग et du culte du beau. Dans cette voie yoguique, nous ramenons toutes nos forces intellectuelles, émotionnelles, physiques vers l’attention du beau et de la perfection.
Bien sûr, la notion de beau dépasse largement les simples critères esthétiques du moment.
Ainsi dans le rituel ou les pratiques, les supports visuels sont importants, ne serait-ce que le support de la représentation anthropomorphique de la déesse ou le support plus abstrait du Śrī Yantra श्री यन्त्र sur lequel nous faisons les pratiques de Trāṭaka त्राटक et de visualisation, toujours liées à l’espace frontal et l’activation de l’Ājñā cakra आज्ञा चक्र .

Notre cortex orbitofrontal est à ce moment-là sollicité intensément. Cependant, au début de la pratique, le Śrī Yantra est un objet inanimé non référencé dans nos souvenirs qui deviendra plus intime et familier avec la pratique. Bien sûr, le but du Trāṭaka est la sublimation et l’activation de l’énergie suprême en nous, mais dans sa symbolique, il fait appel à l’union avec la déesse par la sublimation de la transe, sexuelle (tantrisme de la voie gauche) ou pas (celui de la droite).
La transcendance pouvant se faire par le bindu बिन्दु sexuel ou par le bindu cérébral.

Pour revenir à la mécanique cérébrale et à l’attrait, le cortex orbitofrontal ne se contente pas d’évaluer. Il va envoyer aussi l’information de son évaluation à beaucoup d’autres parties du cerveau, telles les zones du plaisir à ressentir ce qui est a été jugé beau et attirant, telles celles pour mettre en œuvre le processus d’énergie, le moteur du désir.
Il va envoyer aussi l’information à l’hypothalamus qui contrôle l’excitation pour mettre en éveil les hormones. Il va continuer vers d’autres zones qui vont gérer les émotions liées au désir, d’autres encore qui vont augmenter l’attention, tels les lobes pariétaux, zones connues pour cela.

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Ainsi donc, dans ce processus de désir, d’attrait, voire sexuel, c’est toute une mécanique neuronale qui agit et vite. Il ne s’agit pas là d’une réflexion cognitive intellectuelle sur la beauté séduisante. Il s’agit d’une zone du cerveau qui traite une information, l’évalue, développe l’attention et communique ensuite avec les autres parties du cerveau pour déterminer s’il faudra agir ou non.

Je voudrais finir, pour nous dégager de cette approche cartésienne du désir et le hisser à celui du désir spirituel, par une poésie de transe de la poétesse Lalla.
Lalla était une ascète poétesse mystique Shivaïte et sainte du Cachemire du XIVe s qui prit très tôt la voie de la renonciation et créa des odes au dieu Śiva शिव remplies de dévotion.
Ici est décrit l’état de réalisation de l’union pleine et parfaite entre Śiva et Śakti शक्ति, leur mariage spirituel, décrit par les grands mystiques. La poétesse voit et transcende.

Voici l’ode :
« Moi, Lalla, je suis entrée par la porte de mon âme et voici, une joie !
J’ai vu Śiva fusionner avec son énergie, Śakti
et j’ai immergé dans le lac de l’ambroisie divine. »

Hari Om tat sat
Jaya yogācāryaḥ योगाचार्यः

Bibliographie :
 « Un cerveau nommé désir » Serge Stoleru aux Edts Odile Jacob
 adaptation et commentaire de Jaya yogacarya

Messages

  • "Sans effort, pas de discipline mais pas de discipline sans amour de la pratique" : car l’Amour est la substance même de la création...Merci Jaya de structurer les cours de yoga tels qu’ils sont, je n’aurais probablement pas réussi à le faire seul, merci de nous dicipliner...

    • Le cadre est nécessaire à tout apprentissage. Il n’est là que pour apprendre à se dépasser soi-même afin d’écarter les barreaux de nos propres cages.
      Merci Marc de votre témoignage.
      Jaya

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