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"Quel chercheur êtes-vous ?"

Quel chercheur êtes-vous ?

Conférence donnée par Jaya Yogacharya en cours de méditation le vendredi 13 nov 2015

Depuis des milliers d’années, la transmission du savoir spirituel en Orient s’est toujours faite de façon directe de maître à disciple et cela a permis à des milliers de chercheurs d’être inspirés et nourris tout en assurant la passation et la pérennité des traditions.
L’occident et sa tradition chrétienne n’échappèrent pas à leurs propres guides spirituels. Toutefois, la société occidentale maintint bien souvent une distanciation à l’égard de la notion de maître oriental, facilitant l’amalgame fait par le plus grand nombre entre ce qu’est un charlatan et ce qu’est un être ayant atteint un niveau de conscience élevée.

Le monde a bien changé ces dernières années. Les hommes, dans leur émancipation, ont accès aujourd’hui en temps réel aux connaissances les plus diverses. Celles touchant les enseignements sacrés furent redistribuées par nombre d’auteurs allant des plus talentueux tels Rabindranath Tagore ou Mircea Eliade aux auteurs du yoga pour les nuls ou du yoga pour les chats. Dans ce panel étrange, il est donc possible de trouver des réflexions ou études rigoureuses de ce qu’est la science du yoga mais aussi de lire des techniques de tous poils pour percer le troisième œil en un clin d’œil, cela va de soi.
Les vraies techniques secrètes et ésotériques quant à elles ne se trouvent pas en encore sur la toile et les experts en la matière se gardent bien de le faire, du moins je l’espère ! Plus la démocratisation et la vulgarisation du savoir se feront en terme de communication, plus les maîtres ou les guides spirituels auront à être vigilants pour préserver cet enseignement oral qui prévaut sur l’écrit.

Aujourd’hui, de plus en plus de personnes sont intéressées par les techniques d’éveil et de réalisation. Cette aspiration est probablement à mettre en parallèle avec cette capacité qu’ont les hommes contemporains à pouvoir se réaliser matériellement et jouir facilement de toute expérience sensorielle, et peut-être à trouver en cela, malgré tout, une limite existentielle et donc un manque.
Mais notre monde actuel est aussi un monde où détenir le pouvoir est une quête en soi.

A penser que le savoir est plus obtenu par une adresse numérique en temps réel et non une acquisition patiente, bon nombre de jeunes gens fonctionnant sur ce mode d’apprentissage, veulent être maîtres avant d’être élèves.
Butant sur leurs propres limites et dupes de leur ignorance, ils n’en sont pas moins revendicateurs et très actifs en termes d’expériences « spiritueuses » et de
consommation de techniques de bien-être.


Pierre Feuga nous rapporte ceci de façon sarcastique :
« A l ’instar du saumon, deux variétés d’éveil se partagent actuellement le marché spirituel ; l’éveil d’élevage et l’éveil sauvage. Le second a nettement plus la côte. Il peut arriver à n’importe qui sans préparation aucune ; il ne nécessite aucun maître, aucune méthode, aucune tradition ; il n’est soumis à aucun contrôle ; il s’ autoproclame et est à lui même sa preuve suffisante. Depuis une cinquante d’années, et parions que le phénomène ira grandissant, on a vu proliférer des expériences de ce type sous forme de livres témoignages, Un sous genre particulier prisé est l’éveil de la kundalini chez des individus n’ayant qu’une connaissance minimale ou fantaisiste des techniques de yoga. »

Récemment, une jeune élève avec peu d’années de pratique et s’étant sortie de ses méandres psychiques et anti-dépresseurs grâce à notre enseignement, m’écrivit qu’elle avait enfin la clairvoyance, était investie et n’avait plus besoin de guide spirituel, sans oublier de nous souhaiter à Maheswari et moi-même une bonne continuation !
De même, il y a peu, une autre jeune élève à la pratique chaotique posait magistralement, affublée d’un nom indien sur un profil des réseaux sociaux !
Bref, il faut que jeunesse se passe !

Pierre Feuga résumait bien le problème en écrivant aussi ceci.

« C’est après avoir enchainé un séminaire de massage cachemoirien avec Bob Lanflure, un atelier de Bhastrika non-stop avec Shri Bilobânanda Swami, une rando chamanique avec Mijanou Raifort, ex-claudette initiée par Jimmy Iboga, une sesshin sans boire dans le désert libyen avec Maître Raoul Takaraké, une retraite néo-bôn de 3jours 3 heures et 3 minutes avec Feddy Rimpoché, le kiné de la queue-en brie, une séance de rap soufi avec Momo, un éveil accéléré des chakras parrainé par interflora avec Pat Goosbery, connu sous le nom de Durga dum dum, une cure d’urinothérapie et longévité à Beaune avec Max Gorgeon, et enfin une initiation au trantra du pied gauche par Chouchou d’éveil, qu’une lueur se fit en elle. »

Notre époque ne peut engendrer que le doute envers la relation sacrée entre un maître et un disciple. Beaucoup de confusions existent aujourd’hui par le foisonnement des enseignements vulgarisés.

Un vrai chercheur spirituel suppose au départ qu’il possède un minimum d’intelligence et de discernement.
A. Desjardin nous dit ceci.
"Lorsque nous nous approchons d’un maître, d’un sage, d’un guide spirituel que ce soit pour nous engager auprès de lui et accepter sa direction spirituelle ou que ce soit simplement pour nous ouvrir à son influence ou éclairer notre compréhension, nous nous adressons à lui parce que nous supposons qu’il voit clair là où nous ne voyons pas clair. Si nous étions convaincus que nous en savons autant que lui, pourquoi irions-nous chercher son aide ?
Il n’est pas ici question d’une confiance aveugle.
Il s’agit surtout de se dire ; est-ce que je suis convaincu que cet homme ou cette femme a perdu des illusions auxquelles je suis encore soumis et peut-on m’éclairer ?"

Si le maître vous caresse dans le sens du poil, et tant que votre égo est confirmé, vous n’entretiendrez aucun doute envers ce guide. Mais dès que son attitude viendra heurter les convictions erronées de votre propre mental, alors vous réagirez violemment et tenterez de le prendre en défaut. C’est un mécanisme très connu en spiritualité. Celui que vous encensiez devient l’objet de vos critiques.
Les critiques formulées à l’encontre des maîtres s’exercent sur quatre lignes principales qui correspondent aux domaines dans lesquels l’égo s’enlise.
La notoriété, le pouvoir, l’argent et la vie affective et sexuelle.
Ces quatre grands secteurs autour desquels s’organise l’existence sont au cœur de toutes les voies, y compris la voie de celui qui est sur le chemin spirituel. C’est dans ces quatre domaines que va se déployer le jeu des projections, des émotions, des doutes, des justifications forcenées d’un élève ou d’un disciple.

Un maître est établi dans un niveau d’être radicalement différent du vôtre.
Le maître ou le guide a une perception de la réalité différente, à commencer par la réalité relative (ce que les hindous appellent le monde phénoménal) qu’il voit avec d’autres yeux. C’est à dire qu’il est capable de l’appréhender dans sa profondeur et sa dynamique.
Les comportements d’un guide ne sont pas toujours réductibles aux critères des élèves.
Il n’y a pas une tradition qui puisse donner des critères rigides de ce qui qualifie un maître ou de ce qui le disqualifie. Dans certaines traditions, les comportements transcendants d’un maître qui lui permettent de connaître les tenants et aboutissants d’une situation et son déploiement futur peuvent être incompréhensibles pour un disciple.

Premier point donc, vous ne trouverez jamais aucun sage quel qu’il soit qui fasse l’unanimité.
Aucun sage, aussi célèbre fut-il, qui n’ait pas été critiqué.

De nombreux maîtres authentiques eurent des comportements pour le moins déroutants.
C’est ce que l’on appelle la Sagesse Folle. Mais attention, elle n’est pas
faite de n’importe quoi, et le maître n’est pas n’importe qui.

Ce qui fait la qualification d’un guide mais plus encore celle d’un disciple, c’est la capacité de discrimination dans le domaine spirituel pour éviter de s’en remettre à quelqu’un qui n’est pas digne de confiance ou au contraire de laisser échapper un maître authentique.

C’est au disciple de ne pas suivre n’importe quelle impulsion émotionnelle de suspicion ou de naïveté.
Le guide a travaillé à rogner son égo et ne se laissera pas aussi facilement corrompre que vous-même dans une même situation de luxe ou de pouvoir.
Quant à la vie sexuelle, il n’y a pas de règle et l’abstinence de certains yogis n’est pas une loi en soi.
Il a toujours existé de grands maîtres dans toutes les traditions, qui étaient pleinement qualifiés tout en étant mariés ou en ayant une assez grande liberté sexuelle, chez les soufis, les tibétains, les tantrikas et bien d’autres.
Ne ramenez pas votre étroitesse ou votre intolérance à leur dimension.

Si vous suivez un enseignement spirituel, vous devez faire preuve de rigueur et observer une certaine discipline de pensée.
Ne gambergez pas au sujet des guides dont vous entendez parler et venir enfler le « la di la fé ». Ayez le courage de ne pas participer à des conversations qui ne sont que du bavardage et qui vous font plus de tort que vous ne le croyez. Vous risquez de perdre votre propre chemin.
Qui était Rajneesh, qui était Trungpa Rinpoché et bien d’autres ?
Ils furent beaucoup décriés et pourtant marquèrent fondamentalement leur temps par leur pensée subversive et restent malgré tout dans la lignée des sages.

Les doutes font partis du cheminement. Regardez-les en vous, éclaircissez-les, mais n’interprétez jamais sans savoir.

Vous êtes sur un chemin spirituel, et c’est le vôtre. Ne vous occupez que de vos propres problématiques spirituelles. Si vous voulez que votre chemin soit un chemin réel, il faut que l’accomplissement du guide auquel vous vous référez vous paraisse convaincant et que vous sentiez que l’ascèse qu ’il a pratiquée est possible pour vous, nous dit A.Desjardins.
Mais comprenez bien, bon nombre de vies de sages ne pourront jamais être des modèles pour vous tant elles sont incomparables et uniques.

Seule la relation de cœur avec le guide est fondamentale.
C’est la voie de la confiance qui permet de s’ouvrir et d’aimer, et permet à la gratitude de s’exprimer.
Il n’y a pas de yoga dans lequel l’amour ne joue pas un rôle fondamental.
Les plus anciens que vous savent de quoi ils parlent.

Hari Om Tat Sat
Jaya Yogacharya

Bibliographie :
« Fragments tantriques » de Pierre Feuga aux edts Almora
« L’Ami spirituel » de Arnaud Desjardins aux edts de la Table Ronde
« Questions de : Du Maître spirituel au guide intérieur en orient et en occident » aux edts Albin Michel.
Adaptation et commentaire de Jaya Yogacharya

Messages

  • mille mercis chère Jaya de remettre les choses à leurs places... dans ce monde de chaos où la confusion envahit la planète autant que les "maîtres spirituels de supermarchés" il est plus que nécessaire de garder toutes vos paroles près de nos coeurs et dans nos esprits :) à bientôt et toujours avec vous et les Maîtres dans mon coeur :)
    om shanti yogapushpa isabelle

    • Chère Yogapushpa Isabelle,
      Vous et nous et bien d’autres qui œuvrons en silence, sommes les garants qui préservent humblement les aspects les plus nobles de la nature humaine. C’est une lourde tâche et un engagement de vie. Puissions-nous recevoir le soutien et la reconnaissance pour ce mérite.
      A vous
      Jaya Yogacharya

  • Je cherche la Voie
    la Voie de la liberté
    Liberté d’Etre
    Etre humaine et libre
    De cette quête j’en fais un voyage
    Préférant le parcours au but
    Et profondément convaincu
    Que la Liberté demande beaucoup de rigueur

    Bien à vous

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