Légèreté, où es-tu, en ces temps difficiles ?
Sur quelle ligne invisible, tes pas se sont posés ?
Au fond de mes poches, dormants, mes mots feutrés
se sont égratignés dans la laine de roche.
Je crois le temps vieillir, lui attribue ma soif
de voler dans les cieux, libre de tout poids,
tel un pèlerin ailé [1], sans but et sans loi,
qui laisse ses petits faire leur chemin de lait.
Mais - il me faut tenir bon - ne pas lâcher la main,
branlante dans ses os, frêle dans sa poignée.
Tenir la tête haute, ayant le cœur serré
de trop vaine patience et de joies refoulées.
Mais il est toujours là, au fond de chaque geste,
cet inconditionnel [2] oublie ce qu’il faut,
et façonne le lien comme on gère l’argile
du bout de son estèque [3], fait ressortir le beau.
Pauvres corps que nous sommes,
affublés de vaisseaux qui promettent voyages.
Nous pulsons chaque jour d’une illusoire cause
que nous abandonnons par faiblesse arrivée.
Le noir de nos jours veille dans nos nuits blanches.
Nous filons la conscience avec du filé or,
et promettons au ciel de lui donner raison,
car il fera briller ce qui sera parti.
Alors, le dos courbé et les paumes blanchies,
nous incanterons la brûlure de la vie.
Le feu qui nous fait Être dans son éternel oui,
par ses braises, nous consume dans son éternel non.
Le feu qui nous fait naître quand nous mourons.
Jaya Yogācārya
[1] Faucon pèlerin
rapaces réputé pour être le plus rapide du monde en piqué
[2] l’amour inconditionnel filial
[3] L’estèque est un outil dont le potier se sert pour finaliser sa pièce. Le plus souvent composé de bois, l’estèque prend la forme d’un galet plat qui permet aux potiers de lisser son œuvre et éliminer la barbotine.
Messages
1. Légèreté..., 31 décembre 2024, 16:16, par Marc medvesek
Merci Jaya pour ces paroles unificatrices ! on ne peut s’empêcher de songer aux paroles d’Héraclite qui dans la Grèce antique affirmait :" En honorant le dieu de la vie, Dionysos, j’honore en même temps le dieu de la mort, Hadès. Ils sont le même. L’un inclut l’autre et vice-versa. "