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Indexicalité métaphysique

Je vous retrouve ce soir pour l’enseignement après plusieurs semaines durant lesquelles Māheśvarī a pris le relais en venant vous voir à la Réunion.

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Au vu du succès de sa démarche auprès de vous, nous sommes confortées par la cohésion toujours aussi puissante du Centre Jaya et des liens forts et affectifs qui nous unissent à vous.

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Pour pratiquer depuis de nombreuses années avec vous la science de l’intériorité via les pratiques yoguiques, nous savons qu’il nous faut faire très attention dans le domaine des expériences spirituelles, à l’objectivité de nos expériences.

La quête de l’objectivité est la règle d’or de la démarche scientifique.
La démarche yoguique se doit d’en tenir compte aussi.

Si nous voulons éviter de brasser du vent, nous devons appliquer à notre démarche yoguique la même exigence. Toutefois, si la science aspire par l’objectivité, à dégager un point de vue commun admis par tous, elle doit tenir compte des possibles biais ou illusions optiques provenant de son point de vue du moment, nous dit Carlo Rovelli.

Or, notre perception du monde vient avant tout de l’intérieur et d’une perspective particulière qui est propre à notre état d’observateur du moment.

Ainsi, ce que les philosophes appellent l’indexicalité, est la spécificité qu’ont certains mots à avoir un sens différent à chaque fois qu’on les emploie, ce sens étant défini par où, comment, quand, et enfin qui les prononce.
Ainsi, si je dis là maintenant, « je m’appelle Jaya » et si c’est vraiment moi qui le dis, cela n’aura pas le même sens que si à l’autre bout du monde, quelqu’un d’autre que moi s’appelant aussi Jaya, le dit.
Dans ce cas-là, je dis vrai pour moi-même mais je dis faux pour l’autre Jaya.

L’indexicalité est donc ce principe qui rend chaque point de vue unique et vrai comme l’est chaque point de vue du monde observé, ce qui rend l’expérience spirituelle vraie pour celui qui l’observe ou la vit.

Mais, du fait que le monde observé vient de notre point de vue intérieur, la description du monde qui ignore tous les autres points de vue est incomplète.
D’où la nécessité en démarche transcendantale, pour s’unir à l’absolu, comme principe vrai et unique, de dépasser l’ego, poseur de limites subjectives.
Le chalenge paradoxal du défi yoguique étant de réaliser l’union en dépassant le « je » subjectif de notre histoire temporelle, pour réaliser l’union du « je » objectif, séparé de son point de vue subjectif, avec l’absolu, lui-même sans point de vue subjectif, incluant le Tout, de façon intemporelle.

Le scientifique nous dit encore ceci : « Bien des choses du monde que nous voyons sont compréhensibles si nous tenons compte de l’existence du point de vue et deviennent incompréhensibles si nous n’en tenons pas compte ».

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Dans le champ des croyances, ceci peut expliquer l’intolérance ou le fanatisme religieux, le scepticisme spirituel, l’incapacité à pouvoir aborder le sens métaphysique de l’existence ou son sens pragmatique.

Chacune de nos expériences est définie par une localisation, celle de notre cerveau, de notre corps, notre ressenti, à un moment et à un endroit précis.
Cette localisation de tous ces paramètres définit notre perception du temps et de l’espace.
Mais notre perception de ces deux principes ne pouvant pas forcément inclure les autres dimensions structurelles du temps et de l’espace dans l’univers extérieur à nous, nous-même étant inclus dans ces dimensions, notre expérience du temps et de l’espace est donc très limitée.
Or dans les expériences spirituelles de vision ou d’extase, ces limitations sautent et la perception du temps et de l’espace disparaissent.
Cela pourrait-il signifier que nous touchons à ce moment-là, une vérité absolue, ou avons l’accès à une dimension plus large du monde ?

Le ressenti intime du pratiquant semble aller dans ce sens-là au vu des témoignages des mystiques.

Nous observons l’univers de notre intériorité en interagissant avec une minuscule portion des paramètres innombrables du cosmos. Au final, nous avons une image et une connaissance floue et limitée.
Nous savons que l’univers actuel en expansion - pouvant appartenir à un cycle cosmique parmi d’autres, et je le précise, si nous voulons rester en accord avec les traditions sacrées millénaires - obéit au principe de l’entropie.
L’entropie en thermodynamique est une grandeur physique qui caractérise le degré de désorganisation d’un système.
Plus généralement, l’entropie est une mesure de l’incertitude ou du désordre dans un système, quantifiant le nombre de configurations possibles que le système peut adopter.
Si nous considérons le champ du réel infini en potentialité, les configurations d’entropie sont forcément elles aussi infinies.
Autrement dit, rare voire exceptionnel serait le principe qui échapperait à l’entropie. Métaphysiquement, seul l’absolu, implicitement un univers supra-conscient peut répondre à ce critère.

Les scientifiques nous disent alors que l‘image floue que nous avons de l’univers implique que la dynamique de l’univers avec lequel nous interagissons serait gouvernée par l’entropie qui mesure l’entité du flou. Elle mesure quelque chose qui nous concerne davantage qu’elle ne concerne l’univers.

Qu’est-ce à dire ?
Déjà, nous savons que nos Jñāna indriya ज्ञान इन्द्रिय (organes des sens) si subtils soient-ils, sont toutefois limités.
Dans le processus yoguique, il y a l’entrainement à optimiser ces organes des sens ainsi que ceux de l’action (karma indriya) afin de développer des Siddhi सिद्धि (pouvoirs), le but n’étant pas réduit à ce simple objectif. Le challenge est entre autres, de voir ce qui n’est pas visible à la conscience ordinaire et ce par le dit troisième œil, le Sva netra स्व-नेत्र, assimilé bien sûr au système hypothalamique du cerveau. C’est bien par l’état d’observateur dans une profonde intériorité, que le méditant peut avoir accès à une connaissance intuitive en faisant sauter les paramètres limitants du temps et de l’espace et en jouant sur une activation éléctro-pranique du cerveau et du corps.

De plus, l’état méditatif, en percevant l’immobilité et le silence, ralentit chez le pratiquant le processus de l’agitation permanente, certes de façon réduite au regard du temps d’une vie, mais ralentit cependant le processus de l’entropie de notre organisme biologique et vivant créé par l’action, le mouvement, le stress ou toute activité physique et mentale. En réduisant l’entropie en nous, ne pourrait-elle rendre l’image que nous avons de l’univers et donc de l’absolu, moins floue ?

Ne trouvons-nous pas ici les argumentations qui corroborent la puissance de ces pratiques dans la perception du monde, l’accès à d’autres dimensions, à la connaissance qu’elles permettent ?

Pour revenir au temps lui-même, nous semblons dépendant de lui et de ses cycles. Il y a un temps pour naître, un temps pour mourir, un temps pour construire, un temps pour détruire, voire un temps pour apprendre et qui sait, un temps pour désapprendre, un temps pour s’attacher, un pour se détacher.

Il semble toujours s’écouler de l’avant mais jamais de l’arrière.

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Nous avons déjà beaucoup réfléchi métaphysiquement à ce principe, voir conférence "Prémices et réminiscences", voir conférence sur la causalité et l’inversion causale "Trou de Ver", voir "La flèche du temps" ).
Les scientifiques nous disent qu’il y a une grammaire élémentaire des éléments du monde où beaucoup de choses n’en font pas partie à la base à partir du moment où elles émergent ou disparaissent selon un processus. Exemples : un chat, une partie de foot, une pūjā पूजा, un cours de yoga. Rien à la base, cela émerge et cela disparait ensuite selon notre regard à un moment donné depuis un endroit précis.

Cela dépend de notre point de vue et de notre interaction avec le monde à cet instant-là.

Si nous contemplons un merveilleux ciel nuageux et coloré et que nous y voyons des formes définies, il n’y a en réalité pas de ligne qui déterminent la forme des nuages au niveau moléculaire. Le bord d’une table au microscope ne nous apparait plus droit non plus mais comme un amalgame brumeux.
De près, les contours des choses du monde deviennent vagues.

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Où finit le ciel et où commence la terre ?
Nous avons une vision lointaine des choses du monde et nous le partageons en gros morceaux pour qu’il ait un sens pour nous.
Nous ne sommes pas dans une perception illusoire du monde, mais limitée.
Nous voyons le ciel tourner au-dessus de nous alors que c’est nous qui tournons. Toutefois, ce qui définit notre perception, c’est le rapport de notre point de vue avec le cosmos.
Ainsi donc si une pūjā पूजा, un chat, émergent d’un monde élémentaire où il n’y en pas, cela ne les rend pas moins réels mais ils sont liés étroitement au temps qui les révèle ou les dissout.
« Le temps émerge d’un monde sans temps », nous dit toujours le physicien C.Rovelli.
Le flou que nous avons du monde, et donc du temps lui-même est lié à notre ignorance des états microscopiques du monde.
De ce fait, nous ne pouvons non plus accéder directement à son sens absolu.

Toutes les théories scientifiques visant à le définir restent variables, que ce soit le temps thermique associé étroitement à l’énergie ou le temps quantique qui amplifie le flou que nous en avons.
L’approche scientifique ne dément pas l’aspect ignorant que nous avons du temps et du monde, elle a du mal à le faire.
Voir au-delà du temps, voir le monde sans vision floue rappelle le témoignage des expériences transcendantales et spirituelles, qu’elles soient celles des chamans, des yogis ou de nombreuses autres approches intuitives, créatives, religieuses, avec psychotropes ou non, voire les expériences de mort imminente.

Toute personne ayant fait ce type d’expérience la considère comme révélatrice d’un principe habituellement inaccessible, comme la révélation d’un principe vrai et plus grand, voire universel.
Tous les mystiques ayant vécu sur cette terre l’ont confirmé, à une époque où la vision floue du monde était encore plus grande.
Y voyaient-ils déjà clair ?
La démarche scientifique a encore beaucoup de chemin à faire, mais elle va vite ! Elle commença le chemin de l’étude du monde beaucoup plus tardivement.
Nous, les yogis, aurions nous de l’avance ? Allez, ne soyons pas stupides, il ne peut y avoir de compétition mais plutôt l’union des savoirs de plus en plus à envisager.
Hari Om Tat Sat
Jaya Yogācārya

Bibliographie :
« L’Ordre du Temps » de Carlo Rovelli, aux Edts Flammarion
 Adaptation et commentaire de Jaya Yogācārya

©Centre Jaya de Yoga Vedanta La Réunion & métropole

Remerciements à C. Pellorce pour sa correction

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